Logement social : demande de mutation
Les faits
Mme G. et son mari, M. H. signent ensemble le bail d’un logement social en 2010. A la naissance de leur enfant, ils introduisent une demande de mutation. En avril 2017, leur SLSP leur attribue un logement.
Cependant, à ce moment, Mme G n’est pas en Belgique. En effet, elle a été convoquée par la Justice de son pays d’origine, en octobre 2015, pour régler un contentieux de nature civile.
Ensuite, elle a fait l’objet d’une interdiction de quitter le territoire de cet État, jusqu’en septembre 2017. M. H souhaite pouvoir bénéficier, avec son fils, de la mutation. Il précise à la SLSP que son épouse ne vit plus en Belgique. Il ajoute qu’elle l’a abandonné et n’a pas l’intention de revenir en Belgique.
Il semble que la SLSP hésite quelque peu. Cependant, elle accepte la demande de Monsieur H. Elle lui attribue donc un nouveau logement et remet en location le logement initial.
Ce n’est que lorsque Mme G. revient en Belgique, qu’elle prend connaissance des nombreux changements dans sa vie.
Effectivement, son mari lui apprend qu’il ne veut plus vivre avec elle. De plus, n’ayant pas de logement, elle ne peut pas revendiquer la garde alternée pour son fils. En clair, elle a perdu son mari, son logement, mais aussi la possibilité de vivre et d’assumer la garde de son fils !
Elle se rend auprès de la SLSP qui indique ne rien pouvoir faire pour elle. Elle introduit cependant une nouvelle demande de logement social.
L'intervention du Médiateur
Mme G se rend chez le Médiateur. Celui-ci est abasourdi par son récit.
En effet, la SLSP a profondément méconnu les droits de Mme G. Pour rappel, elle était signataire du bail. Or, sans autre forme de procès, la SLSP a mis fin au bail, sans même avoir tenté de joindre Mme G. Il faut noter qu’à ce moment, Mme G. est toujours inscrite au Registre de la Population et des Étrangers. La SLSP n’a pas même exigé que M. H. introduise une demande de radiation d’office du Registre de la Population. Elle n’a pas non plus résilié officiellement le bail, ou introduit d’action auprès du Juge de Paix afin d’obtenir la résiliation. Il semble qu’elle ait simplement demandé à la police de confirmer que Mme G. était bien absente.
Le Médiateur prend alors contact avec la SLSP, de manière informelle. De ces premiers contacts, il ressort que la SLSP est bien consciente d’avoir agi de manière pour le moins imprudente.
Le Médiateur propose alors à la SLSP de réparer ce qui peut encore l’être. Il s’agirait d’accorder à Mme G. deux dérogations aux critères d’attribution d’un logement social. La première dérogation lui permettrait de postuler pour un logement de deux chambres. En effet, n’ayant pas la garde, même partielle, de son fils, Mme G. ne peut postuler que pour un logement d’une chambre. Or, tant qu’elle n’aura qu’un logement d’une chambre, elle ne pourra pas obtenir du Juge la garde de son fils. Il s’agit donc d’empêcher au serpent de se mordre la queue.
La seconde dérogation, basée la cohésion sociale, lui permettrait d’obtenir le premier logement disponible. On le sait, il est possible pour une SLSP de déroger aux critères d’attribution d’un logement, pour des raisons basées sur l’urgence ou la cohésion sociale.
La Circulaire 2013/N°14 de la SWL précise qu’il est possible de déroger aux critères usuels d’attribution lorsque l’attribution d’un logement est nécessaire pour retisser des liens sociaux, intergénérationnels et interculturels. Ce qui est bien sûr le cas ici.
Le Médiateur s’aperçoit cependant assez vite que la SLSP est très réticente à suivre cette voie. Il l’interroge donc officiellement sur la possibilité d’octroyer les deux dérogations mentionnées. Il précise bien que les deux dérogations sont bien prévues par la réglementation, et que la SLSP est libre de les mettre en oeuvre.
Cependant, pour des raisons difficilement explicables, la SLSP se refuse à octroyer ces dérogations. Elle refuse également une réunion de médiation que lui proposait le Médiateur. Il semble que si la SLSP est consciente en « off » de son erreur, elle refuse de la reconnaître officiellement, et plus encore, elle refuse de tenter de réparer le préjudice subi par Mme G. Mme G. en sera donc réduite à introduire un recours devant la Chambre de Recours de la SWL, laquelle dira pour droit que Mme G. doit être inscrite pour un logement proportionné de deux chambres. En outre, la Chambre de Recours dit également pour droit que la demande de dérogation pour cohésion sociale doit être prise en compte, réservant ainsi le choix à la SLSP de l’accorder ou pas. C’est en effet un point sur lequel il faut insister. La Chambre de Recours est régulièrement saisie concernant des demandes de dérogations aux critères d’attribution d’un logement. Sa jurisprudence est constante sur un point : elle analyse la demande et précise les critères justifiant une dérogation sont – ou pas – rencontrés.
Mais, même si elle estime que les critères sont bien rencontrés, elle n’impose pas à la SLSP d’octroyer la dérogation. Elle invite le Comité d’attribution à être attentif au dossier et à le comparer avec les dossiers des autres candidats arrivant en ordre utile ou ayant également demandé une dérogation.
L'issue de la médiation
Une nouvelle fois interpellée par le Médiateur, la SLSP a précisé que le premier logement vacant proportionné serait attribué à Mme G.
Le Médiateur tient à faire part de ses regrets face à ce dossier.
En effet, l’erreur de la SLSP était compréhensible. Il lui était difficile de réagir adéquatement, au moment de l’attribution du logement sur mutation. Il s’imposait de réagir rapidement, et Mme G. n’était pas joignable. Mais, il est peu compréhensible que la SLSP n’ait pas tenté de réparer son erreur, d’autant qu’une solution réglementaire, qui ne lui coûtait rien, s’offrait à elle.
Neuf mois se sont ainsi écoulés entre le premier contact avec le Médiateur et l’acceptation de la SLSP de prendre en compte la situation qu’elle a contribué à créer.
Attention : chaque cas évoqué ne peut pas nécessairement être généralisé à d’autres situations. En effet, quand il traite une réclamation, le Médiateur examine la situation concrète et prend en compte les arguments invoqués et les pièces probantes apportées.